Pendant l'Occupation, adolescent, il lit beaucoup. Il dévore Cocteau, Rostand (Edmond mais aussi Maurice qu'il aime beaucoup), Giraudoux et tous les classiques. Sa curiosité est déjà universelle. André Degaine avait un frère, son aîné de dix ans, qui fut déterminant dans sa vocation et dans le développement de son esprit d'observation et de sa mémoire. C'est sa maman qui avait confectionné pour le petit André ses premières marionnettes. Lui-même, ainsi qu'il le racontait, l'oeil pétillant de malice et de tendresse, "tirait l'aiguille". Il pouvait fabriquer lui aussi ses pantins et dessinait très bien. Il fut saisi de la passion du théâtre, raconter des histoires, inventer, imaginer.
Son beau visage plein était illuminé par un regard d'un bleu azuréen. Ses cheveux blancs, son teint pâle, ses vestons d'un bleu roy très seyant, sa voix douce, presqu'enfantine parfois, tout disait qu'il était un adulte qui n'avait jamais rompu avec l'enfance..."Monté" à Paris, ses deux bacs en poche, il intègre l'administration des PTT. Il travaillera quarante ans durant à la Grande Poste de la rue du Louvre, celle qui est ouverte jour et nuit. Quelquefois, André Degaine expliquait que c'est dans l'exercice de ses fonctions qu'il avait appris à jouer la comédie : pas plus fin que lui pour rassurer la clientèle !
Avec son salaire modeste, il va au théâtre. Et il écrit à son frère, lui narrant quotidiennement ce qu'il a vu la veille. On n'a rien de cette correspondance, son frère aîné est mort il y a longtemps déjà...quel dommage ! On tiendrait là une chronique extraordinaire de la vie théâtrale parisienne de l'après-guerre à aujourd'hui.
Et puis, donc, il joue. Le Jeune théâtre des PTT est une compagnie très active. Il endosse le costumes de personnages très divers, met en scène, rédige les programmes et même écrit des pièces. La passion est totale ! Pour ses 80 ans, en 2006, le Théâtre-Club animé par un autre passionné, Alain Toutous, lui avait consacré une soirée superbe avec des témoignages, archives, des films. On sait qu'Alain Toutous et ses amis du Théâtre Club ont été auprès d'André Degaine jusqu'au dernier jour et qu'ils seront là pour honorer sa mémoire.
Mais son chef-d'oeuvre est incontestablement L'Histoire du théâtre dessinée. Près de 450 pages pour cette somme complètement écrite à la main, illustrée par ses dessins, avec des copies de sa main également de gravures, d'affiches, de sigles, etc...Lui-même, si l'on s'en souvient bien, avait tiré les photocopies et relié ces pages, les déposant dans quelques librairies spécialisées. Et puis il y a l'exemplaire envoyé à Jérôme Garcin...Les 300 exemplaires de ce premier "tirage" pas comme les autres s'arrachent et bientôt Nizet réédite l'ouvrage !